L’évaluation d’impact sur la santé (EIS) a vu le jour au milieu des années 1990, dans une publication fondatrice d’un chercheur et praticien britannique, Alex-Scott Samuel. L’Organisation mondiale de la santé s’est saisie du concept en 1999, en proposant, dans le cadre du Consensus de Göteborg, la définition suivante : « une combinaison de procédures, méthodes et outils qui permettent de juger les effets possibles d’une politique, d’un programme ou projet sur la santé de la population et la distribution de ces effets au sein de la population » (OMS, 1999). L’Association internationale pour les évaluations des impacts (IAIA) a ajouté en 2005 une phrase qui la complète : « L’EIS identifie les mesures appropriées, aptes à gérer ces effets ».
Cette définition enrichie, qui demeure la plus utilisée, souligne le caractère prospectif de l’EIS, qui la distingue fondamentalement d’autres outils d’évaluation en matière de politiques publiques, souvent à visée rétrospective. Dans cette même logique, l’EIS est amenée, au terme du processus d’évaluation, à formuler des recommandations devant permettre de maximiser les effets positifs et minimiser les effets négatifs sur la santé de l’objet en évaluation.
Fondée sur une approche par les déterminants de la santé, elle a, de ce fait, vocation à s’intéresser en priorité aux thématiques (aménagement du territoire, transports, logement, énergie, fiscalité, etc.) qui n’appartiennent pas du domaine de la santé, mais qui contribuent grandement à l’influencer. Toutefois, cela n’exclut pas des EIS à mener sur des politiques sanitaires, même si elles restent très minoritaires.
Les racines de l’EIS sont doubles. D’un côté, elle a puisé dans le champ de la promotion de la santé, en particulier le champ d’action des politiques publiques saines introduit par la Charte d’Ottawa, et à travers une attention accrue aux dimensions de la participation, des inégalités sociales de santé et de l’usage éthique des données. De l’autre côté, elle a mobilisé le schéma analytique des études d’impact sur l’environnement, en structurant les évaluations autour d’un processus similaire en 5 étapes : sélection (ou tri préliminaire ou dépistage), cadrage, analyse, production du rapport d’évaluation et suivi / post-évaluation.
L’EIS se caractérise par une typologie flexible, qui, en particulier, tient compte des ressources humaines et financières, ainsi que du temps disponible pour la réaliser. On distingue ainsi des EIS ultra-rapides, rapides et complètes, qui, outre la gradation croissante dans les besoins en ressources et en temps, se distinguent par la possibilité de produire de nouvelles données probantes à travers des enquêtes, des sondages, des entretiens individuels ou collectifs, etc.
La pratique des EIS a débuté au Royaume-Uni, pour essaimer d’abord dans les pays du nord de l’Europe, puis l’Amérique du Nord, l’Australie et la Nouvelle-Zélande et ensuite le centre et le sud de l’Europe. L’EIS a par ailleurs été une thématique centrale dans le phase IV (2003-2008) du Réseau européen des Villes-Santé. Dans les pays du Sud, sa diffusion est en grande partie postérieure à 2010 et demeure, très souvent, porté par les Banques de développement, dans le cadre de financements pour des grands projets d’infrastructures ou des industries extractives.
A la différence de l’évaluation environnementale, l’EIS dispose rarement d’une base légale rendant son utilisation contraignante, ce qui la rend tributaire de la volonté de portage de la part des élus et des administrations publiques. Des avancées dans ce domaine ont néanmoins été réalisées récemment au niveau supranational. L’Union européenne en particulier, dans la révision en 2014 de sa Directive sur l’évaluation environnementale, a accordé une place plus importante à la santé et cette intention a été confirmé, par l’élaboration, en 2020, d’un document de référence à l’intention des autorités (Diallo et al. 2023). Par ailleurs, au regard de la multiplication des outils prospectifs d’évaluation d’impact (environnement, santé, social, équite, intégrés, etc.), la question de l’utilisation autonome de l’EIS par rapport à son intégration dans d’autres outils d’évaluations existants reste de grande actualité.
De manière globale, la pratique de l’EIS demeure aujourd’hui en plein essor, très souvent sous l’impulsion des collectivités territoriales locales qui y trouvent une opportunité pour concrétiser le concept de santé dans toutes les politiques (SdTP).