La démarche de la santé dans toutes les politiques (SdTP) est une approche intersectorielle des politiques publiques qui tient compte systématiquement des conséquences sanitaires des décisions, qui recherche des synergies et qui évite les conséquences néfastes pour la santé afin d’améliorer la santé de la population et l’équité en santé (OMS, 2013, Déclaration d’Helsinki sur la santé dans toutes les politiques de l’OMS 8ème Conférence Globale de Promotion de la Santé). Elle s’inscrit bien dans la continuité des politiques publiques saines, domaine d’action présenté en 1986 déjà par la Charte d’Ottawa de promotion de la santé. Elle met l’accent sur les déterminants de la santé qui se situent hors du champ sanitaire et nécessite la compréhension de l’influence qu’ont les comportements et les modes de vie sur l’état de santé. Les politiques publiques autres que celles du ministère de la Santé peuvent donc peser davantage dans l’établissement d’un état de santé de la population en changeant l’environnement macro-économique et le contexte socio-environnemental.
En tant que concept, la SdTP reflète les principes de (OMS, 2014) :
- légitimité,
- responsabilité (rendre des comptes, accountability),
- transparence et accès à l’information,
- participation,
- durabilité, et
- collaboration entre les secteurs et les niveaux des pouvoirs publics.
Elle a également été développée en réponse à la prise de conscience que la santé est créée à travers divers secteurs et éléments de pouvoirs publics, de la société civile et de l’action sociale. Il en est de même que la façon dont la société est organisée depuis la révolution industrielle, à travers ses institutions et systèmes de gouvernance, est de manière croissante en « silos » spécialisés. Ces derniers ont tendance à fonctionner de plus en plus en circuits fermés et étanches. Ils définissent les paramètres de leur propre mission à travers les usages disciplinaires de leurs professionnels, la législation, les réseaux et communautés épistémologiques, les infrastructures et le développement d’une recherche spécialisée (de Leeuw & Peters, 2014). La SdTP constitue donc un véritable appel à transcender ce système de « silos ».
Sa mise en œuvre, selon Kickbush et Baum (2014), fait appel à quatre types de stratégies pour amener les secteurs, selon que les questions de santé sont plus ou moins centrales dans les activités de collaborations entre services. Les collaborations peuvent ainsi revêtir différentes modalités selon qu’elles incluent des stratégies :
• la santé au centre (health at the core) signifie que les objectifs de santé sont au cœur de toute réflexion pour chacun des services, le but étant que les autres secteurs mettent en place des politiques qui permettent d’atteindre les objectifs de santé ;
• La stratégie gagnant-gagnant (win-win) est une stratégie dont le but est de trouver des politiques et actions qui profitent à toutes les parties prenantes, tout en ayant des bénéfices pour la santé ;
• Co-opération est une stratégie de coopération systématique entre le secteur de la santé et les autres secteurs, ce qui signifie que le secteur de la santé est systématiquement associé aux réflexions et projets des autres secteurs dans un rôle d’expertise ;
• la limitation des dégâts (damage limitation) est une stratégie pour laquelle des efforts sont déployés afin de limiter les potentiels effets négatifs des propositions politiques sur la santé. Il s’agit de mener un plaidoyer pour les questions de santé soient prises en compte, sans pour autant qu’elles soient au cœur des réflexions.
Ces stratégies marquent autant d’étapes d’engagement dans les démarches de santé dans toutes les politiques. De nombreux pays se sont saisis de ces démarches pour les intégrer dans leur système de gouvernance du secteur sanitaire. L’Australie et le Canada, par exemple, ont intégré ces démarches au niveau régional.
Faire de la santé un composant des autres politiques publiques ne signifie pas que la santé doit être au centre de ces politiques : ceci exprime seulement une nécessité de collaboration entre les secteurs pour atteindre des objectifs communs dans une approche « gagnant-gagnant ». Cette démarche globale (ou « horizontale ») conduit finalement à déplacer la responsabilité liée à la santé de la population, du secteur de la santé vers l’exécutif dans son ensemble, ce qui est conforme à ce que les données scientifiques sur les déterminants de la santé et leur importance relative nous ont appris ces dernières décennies.