Plusieurs concepts existent pour étudier les interrelations entre la santé des êtres humains, des animaux et des écosystèmes. Bien que reposant sur des approches systémiques équivalentes, ils présentent des différences quant au moment de leur apparition, l’importance relative des disciplines qui y participent et, pour partie, leurs valeurs fondamentales.
Le concept Eco-santé (Ecohealth) a vu le jour dans les années 1990, en particulier sous l’impulsion du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) de la coopération au développement du Canada. Historiquement, il s’est donné pour objectif de comprendre comment les facteurs économiques, sociaux et écologiques affectent l’état et la durabilité des écosystèmes, y compris en termes de services ecosystémiques rendus et leur impact sur la santé humaine (Costanza et al. 1998). Moins centré sur l’interface entre les êtres humains et les animaux, il s’est initialement intéressé aux politiques de conservation et de gestion des ressources, avec une forte dimension de participation communautaire (Duhamel, 2021). Un principe de base d’Eco-santé est que la santé et le bien-être ne peuvent être maintenus sur une planète épuisée, polluée et socialement instable (Lerner & Berg, 2017).
Le concept Une seule santé (One Health) trouve son origine dans le concept Une seule médecine, proposé en 1964 par Schwab en relation aux similitudes entre médecine humaine et animale et incitant à une collaboration accrue entre ces deux disciplines pour régler les problèmes de santé à l’échelle planétaire. Cet héritage disciplinaire explique l’attention prioritaire que ce concept a porté à l’interaction entre l’humain et les animaux, par l’étude des zoonoses. Au courant des années 2000, l’émergence de pathologies comme l’encéphalite spongiforme bovine (responsable de la maladie de Creutzfeld-Jacob chez l’humain, la fameuse « maladie de la vache folle ») ou le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ont donné un nouvel élan au concept. En 2004, le symposium « One World, One Health » organisé par la Société de Conservation de la Nature (Wildlife Conservation Society), élabore les principes de Manhattan qui énumèrent 12 recommandations visant à établir une approche plus holistique de la prévention des épidémies et des épizooties et à maintenir l'intégrité des écosystèmes dans l'intérêt de l'être humain, de ses animaux domestiques et de la biodiversité. Le concept Une seule santé s’en trouve élargi et le mouvement Une seule santé se structure sur le plan international. En 2010, une alliance tripartite d’organisations internationales (Organisation mondiale de la santé, Organisation internationale des épizooties (devenue ensuite Organisation internationale de la santé animale) et Organisation pour l’alimentation et l’agriculture) se positionne favorablement sur ce concept, lui permettant d’évoluer vers un champ plus large incluant les problématiques de sécurité sanitaire des aliments, d’adaptation au changement climatique et de biodiversité (Duhamel, 2021 ; Harrison et al. 2019).
Dans sa définition la plus récente, fruit de la concertation de l’alliance tripartite à laquelle est venu s’ajouter le Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), une seule santé « est une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes. Elle reconnaît que la santé des êtres humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l'environnement au sens large (y compris les écosystèmes) est étroitement liée et interdépendante » (OHHLEP, 2022).
Le concept de Santé planétaire (Planetary Health) est une proposition récente (2015) émanant d’une collaboration entre la Fondation Rockfeller et la Commission Lancet pour la santé planétaire et conçu comme une alternative à Eco-santé et Une seule santé. Dans sa définition d’origine la Santé planétaire est « la réalisation du niveau le plus élevé possible de santé, de bien-être et d'équité dans le monde entier, grâce à une attention judicieuse portée aux systèmes humains - politiques, économiques et sociaux - qui façonnent l'avenir de l'humanité et aux systèmes naturels de la Terre qui définissent les limites environnementales sûres dans lesquelles l'humanité peut s'épanouir » (Whitmee et al. 2015).
En 2022, L’Alliance pour la santé planétaire a proposé la nouvelle définition suivante : « un domaine transdisciplinaire orienté vers les solutions et un mouvement social axé sur l'analyse et la prise en compte des incidences des perturbations humaines des systèmes naturels de la Terre sur la santé humaine et sur l'ensemble de la vie sur Terre » (Planetary Health Alliance, 2022). Dans les deux cas de figure le concept de Santé planétaire se différencie par l’accent qui est avant tout mis sur la santé humaine, à travers en particulier le rôle que joue l’action des sociétés humaines sur les perturbations environnementales et le changement climatique en particulier. Dans sa conception, elle est l’héritière du concept de durabilité tel que défini par la commission Bruntdland, mettant les besoins des êtres humains au centre du dispositif.
Aujourd’hui, on peut considérer que si les concepts d’Ecosanté et Une Seule Santé ont fortement convergé, celui de Santé Planétaire se différencie davantage, comme en témoigne la focale thématique globalement différente au niveau de la recherche (Ruiz de Castaneda et al. 2023).